« Ce qui se cache sous l’apparence d’un fiasco judiciaire français, c’est la constitution d’une conspiration policière mondiale revendiquée dont Mark Kennedy, officiellement actif dans onze pays, de l’Europe aux Etats-Unis en passant par l’Islande, n’est à ce jour que le plus fameux pion. » « Comme toujours, la prose policière ne contient de vérité qu’à condition de l’inverser terme à terme : lorsque la police dit : « Les euro-anarchistes sont en train de tisser un réseau pré-terroriste européen pour attaquer les institutions », il faut évidemment lire : « Nous, policiers, sommes en train de doubler les institutions par une vaste organisation européenne informelle afin d’attaquer les mouvements qui nous échappent. » « Or ce qui se passe en ce moment en Europe, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie, au Royaume-Uni, ce n’est pas que surgissent ex nihilo des groupes radicaux venus menacer la quiétude de la « population », mais que les peuples eux-mêmes se radicalisent devant l’évident scandale qu’est l’ordre présent des choses. Le seul tort de ceux qui, comme les gens de Tarnac, sont issus du mouvement antiglobalisation et de la lutte contre la dévastation du monde, c’est d’avoir formé un signe avant-coureur d’une prise de conscience désormais générale. »
Giorgio Agamben et Yildune Lévymise, extraits d’un texte publié dans le Monde