Si nous n’y faisons pas attention, tout ce que nous aimons finira par n’avoir plus aucun goût (remarquez, c’est déjà bien commencé). Au début du processus, quand nous avons vu nos trucs préférés obtenir une reconnaissance consensuelle dans le champ de la culture légitime (pour parler comme Bourdieu), j’ai d’abord pensé que le malaise venait du fait d’avoir à partager avec les masses. Mais le pseudo-élitisme n’était pas la bonne piste. Le problème, je crois que c’est la logique interne du processus d’intégration culturelle. Le fait qu’un artiste fasse l’objet d’une reconnaissance unanime entraine obligatoirement une forme de banalisation des œuvres. C’est inévitable, même pour des caractériels notoires comme Genet ou Debord. Le fait d’être en couverture de Télérama ou au programme de l’agrégation n’en fait pas automatiquement des bisounours, certes. Ils paraissent juste moins sulfureux – et donc, à nos yeux, moins attirants et excitants.
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Une question pertinente et tiraillante…
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Pas facile à « gérer », comme disent les managers de (bip)…
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Je ne crois pas à un quelconque danger de banaliser la culture, en particulier si on entend par banaliser « vulgariser », c’est à dire rendre accessible au plus grand nombre. Mais peut-être pensez-vous plus particulièrement ici à l’art (qui n’est qu’une partie de la culture, laquelle embrasse plus largement : les sciences, l’histoire, …).
Alors oui, l’art assimilé, celui qui est en première page des magazines et accepté par le même plus grand nombre, a perdu de sa puissance. Mais je dirais : par construction. Car le propre de l’art est de bousculer, de décaler, d’une manière ou d’une autre de subvertir le présent, la pensée présente. C’est pourquoi le destin d’une œuvre est de s’affaiblir à mesure qu’elle produit son effet (la dynamique de cet affaiblissement étant d’autant plus rapide que l’œuvre est faible).
La vocation de l’art est de pousser des limites, le nouveau mettant ce faisant l’ancien plus au centre.
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« Tiraillant » est bien le mot approprié…
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La question s’appliquant aussi aux domaines du design, de l’architecture et de la mode, le mot « culture », comme culture pop, me paraît approprié.
Si des milliers d’habitants de ma ville se mettaient à plébisciter une architecture inspirée des projets et des réalisations dans le « style international » qui va du Bauhaus aux réalisations de Neutra, je serais ravi. Un exemple de banalisation positive… Et égoïste. 😉
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Ne s’agit-il pas, dans cet exemple imaginaire, d’un (très) gros « si »?
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C’est totalement improbable, hélas. J’aurais du prendre un exemple vécu comme la trajectoire d’un groupe indé qui finit par remplir des stades. Est-ce que le succès populaire de REM ou de Nirvana fut un bienfait pour la culture pop/rock ?
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Vaste problème, très complexe – surtout dans une culture postmoderne -, mais qu’il faut bien affronter même en sachant qu’il n’existe pas de réponse simple (pour ne pas dire simpliste). Je viens d’acheter un petit bouquin qui s’appelle « Contre Télérama » (chez Allia) et qui semble aborder ces questions délicates. J’en ferai peut-être un compte rendu.
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